PREDICATION Département famille – 19 novembre 2016
LE PARDON
Fabien PALMIER, Olivier LIBER, Micaël VANHALST
Textes : Matthieu 18.21-35 ; Zacharie 3.1-7 ; Matthieu 6.12 ; Marc 11.25-26 ; Luc 7.47 ; Luc 17.3-4
Micaël Vanhalst : Pourquoi avons-nous décidé de traiter à trois ce thème du pardon ? Et pourquoi ce thème ?
Fabien Palmier : Cela permet d’avoir différentes sensibilités sur ce thème. Pourquoi ce thème ? Parce qu’il est au centre de la vie chrétienne et du christianisme : le pardon de Christ.
Le pardon est une chose dont nous avons besoin. Nous subissons tous des injustices volontaires ou involontaires, répétées ou occasionnelles, et nous sommes amenés à y réagir. La violence reste hélas dans le mode le moyen le plus adopté pour régler des conflits.
Sans pardon, la vie est gouvernée par un parcours sans fin de ressentiment et de vengeance. Roberto Assagioli
La non-violence est infiniment supérieure à la violence, le pardon est plus viril que le châtiment, le pardon est la parure du soldat. Gandhi
Le monde serait-il meilleur si nous pratiquions cette démarche de pardon ? Dans les familles ? Au sein des couples ? Quand le mariage est un échec et que le couple se sépare, y a-t-il aussi bénéfice à entrer dans cette démarche de pardon ? Ne serais-je pas aussi plus heureux si je me pardonnais ?
Micaël Vanhalst : Une question se pose : Faut-il pardonner à tout et à n’importe quel prix ? Peut-il y avoir des abus ? Comment faire ?
Fabien Palmier : Il semble qu’il faudrait pardonner à tout le monde de manière inconditionnelle, qu’il y ait reconnaissance ou non de la blessure ou des fautes commises.
On peut se demander si c’est bien ce qu’enseigne la Bible. Quelle est la place de la repentance ? est-ce que Dieu pardonne à celui qui ne se repent pas ?
Autre idée : « Si tu n’arrives pas à oublier, c’est que tu n’as pas pardonné ». Est-ce que pardonner, c’est tout oublier ? L’offensé doit-il oublier sa souffrance, la taire et ne plus revenir sur le passé ? N’y a-t-il pas des étapes ?
Nouveau point : Pardonner, c’est se positionner face à son offenseur comme avant l’offense subie. Cela est-il toujours possible ? Surtout quand l’offenseur n’a pas reconnu sa faute. Ne serait-ce pas se placer dans une forme d’insécurité relationnelle ? Il y a aussi les cas d’abus (mental, sexuel, physique) dans lesquels l’offensé minimise le comportement inacceptable de l’autre, et cela n’aide pas l’offenseur à reconnaitre ses torts. Excuser l’offenseur, c’est peut-être refuser d’affronter l’offense ?
Proverbes 28.6 : L’homme pauvre qui opprime les misérables est une pluie violente qui ne laisse point de pain.
Olivier Liber : Qu’est-ce que l’Ancien Testament nous enseigne sur le pardon ?
Micaël Vanhalst : Lisons Zacharie 3.1-5 : Puis l’Éternel me fit voir Josué, le grand sacrificateur, debout devant l’ange de l’Éternel, et Satan se tenait à sa droite, pour s’opposer à lui. Et l’Éternel dit à Satan : Que l’Éternel te réprime, Satan ! Que l’Éternel te réprime, lui qui a choisi Jérusalem ! Celui-ci n’est-il pas un tison retiré du feu ? Or Joshua était vêtu de vêtements sales, et se tenait devant l’ange. Et l’ange prit la parole et dit à ceux qui se tenaient devant lui : Otez-lui ses vêtements sales. Puis il dit à Josué : Vois, j’enlève ton iniquité, et je te revêts d’habits magnifiques. Et je dis : Qu’on lui mette sur la tête une tiare pure ! Et ils lui mirent sur la tête une tiare pure, et le revêtirent des vêtements, en présence de l’ange de l’Éternel.
Les protagonistes de ce passage :
Josué : Qui est-il ? On sait que c’est un souverain sacrificateur, il représente le peuple. Ce n’est pas lui qui agit, c’est l’ange de l’Eternel qui parle pour lui et qui demande à ce qu’il ait de nouveaux habits.
Satan : Présent dans la première partie du texte, c’est l’accusateur. Il se tient à la droite de Josué. Dans la Bible Etre à la droite de quelqu’un veut dire Exercer une forte pression sur lui.
Intervenants indéfinis :
Verset 4 : Ceux qui se tenaient devant lui. Ils participent à l’action de l’ange de l’Eternel.
L’ange de l’Eternel parle et agit. Il demande à ce que soient changés les vêtements sales de Josué par des habits de fête = enlever la faute, pardonner les pêchés.
Le pardon est ici immédiat. Il y a consensus céleste autour de ce pardon. Tous contribuent à ce pardon.
Fabien Palmier : Nous avons reçu le pardon de Dieu mais n’y a-t-il des fois où nous faisons obstacle à ce pardon ?
Olivier Liber : Dans le Nouveau Testament on est dans la pratique. Le pardon est un don de Dieu gratuit. Mais on peut parfois être un obstacle à ce pardon.
Lisons Matthieu 6.12 : Pardonne-nous nos offenses, comme nous aussi nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés.
Le Notre Père, texte connu qui nous connaissons par cœur et que nous avons répété de nombreuses fois, sommes-nous pleinement conscients de ce qu’il implique ?
Il y a une relation de cohérence entre le pardon que Dieu nous offre et celui que nous donnons. Suis-je certain que le pardon que Dieu m’accorde me permettra de vaincre le péché ?
Bien souvent, il nous est facile d’accepter cette idée, mais c’est plus difficile quand il s’agit des autres ? De Dieu pardonnant aux autres ? De moi pardonnant aux autres ? Est-ce que je crois que lorsque je pardonne à l’autre je remporte une victoire ?
Dans le monde dans lequel nous vivons, trop souvent le pardon est perçu comme un signe de faiblesse, comme se mettre en dessous de l’autre. On coupe la phrase en deux. Il est si difficile d’accorder son pardon. Ne pas le faire crée logiquement une barrière dans cette possibilité que Dieu puisse nous donner son pardon. Si je crois que Dieu me pardonne, je ne peux que croire qu’il l’accordera aussi à l’autre. Qui suis-je pour refuser de donner mon pardon ?
Lisons Marc 11.25-26 : Et, lorsque vous êtes debout faisant votre prière, si vous avez quelque chose contre quelqu’un, pardonnez, afin que votre Père qui est dans les cieux vous pardonne aussi vos offenses. Mais si vous ne pardonnez pas, votre Père qui est dans les cieux ne vous pardonnera pas non plus vos offenses.
Le don du pardon n’est pas simplement quelque chose que je reçois. Je dois le vivre et l’offrir aux autres.
Quand je vis ce pardon, quelles en sont les conséquences ? Dans l’Ancien Testament par exemple ?
Micaël Vanhalst : Dans l’Ancien Testament également il y a du concret. Si nous reprenons le texte de Zacharie 3, nous comprenons que les vêtements sales retirés à Josué symbolisent le péché ôté, le péché pardonné. Une fois pardonné, d’autres vêtements lui sont mis, des habits de fête.
Derrière le pardon il y a cet habit de fête, il y a la joie. Oui, le pardon n’est pas synonyme de contrition et de tristesse mais de joie.
Le verset 5 nous indique que l’Eternel est présent pendant ce changement d’habits. Dieu ne nous pardonne pas seulement, il reste après et toujours à nos côtés.
Restons-nous auprès de l’autre lorsque nous lui pardonnons ?
Un autre texte nous le confirme dans Exode 34.6-7 : Et l’Eternel passa devant lui, et s’écria : L’Eternel, l’Eternel, Dieu miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en bonté et en fidélité, qui conserve son amour jusqu’à mille générations, qui pardonne l’iniquité, la rébellion et le péché, mais qui ne tient point le coupable pour innocent, et qui punit l’iniquité des pères sur les enfants et sur les enfants des enfants jusqu’à la troisième et à la quatrième génération !
Dieu est fidèle, pour toujours.
Continuons la lecture de Zacharie 3.6-7 : L’ange de l’Eternel fit à Josué cette déclaration : Ainsi parle l’Eternel des armées : Si tu marches dans mes voies et si tu observes mes ordres, tu jugeras ma maison et tu garderas mes parvis, et je te donnerai libre accès parmi ceux qui sont ici.
On peut se rendre compte que Dieu, après nous avoir pardonné, attend quelque chose de nous. Il veut que nous marchions dans ses voies. Le pardon de l’Eternel est accompagné d’une promesse.
Olivier Liber : Le Nouveau Testament parle aussi de l’après pardon. Comment vivre le pardon ? Pardon et amour ne peuvent être dissociés.
Matthieu 18.21-22 : Alors Pierre s’approcha de lui, et dit : Seigneur, combien de fois pardonnerai-je à mon frère, lorsqu’il péchera contre moi ? Sera-ce jusqu’à sept fois ? Jésus lui dit : Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à septante fois sept fois.
Jésus propose à Pierre de changer d’état d’esprit. Si on estime que le pardon ne peut être dissocié de l’amour, à la question Combien de fois pardonner ? on répondrait Quelle est ta limite d’amour ?
Luc 17.3-4 : Prenez garde à vous-mêmes. Si ton frère a péché, reprends-le ; et, s’il se repent, pardonne-lui. Et s’il a péché contre toi sept fois dans un jour et que sept fois il revienne à toi, disant : Je me repens, tu lui pardonneras.
Il peut sembler absurde de pardonner autant de fois dans la même journée à quelqu’un qui vous offenserait et viendrait à chaque fois vous demander pardon, mais il est ici question d’amour.
Si on prend l’exemple de la relation parent-enfant, quand on est parent, on est déjà disposé à pardonner les erreurs répétées de nos enfants. Dans cette relation, c’est l’amour qui prime, nous voulons préserver cette relation.
Pardonner, c’est rompre la spirale du péché et la remplacer par une spirale d’amour. Pardonner l’autre, c’est accepter d’expérimenter cette démarche d’amour avec l’autre, lui faire vivre une expérience d’amour.
Luc 7.47 : C’est pourquoi, je te le dis, ses nombreux péchés ont été pardonnés : car elle a beaucoup aimé. Mais celui à qui on pardonne peu aime peu.
Le pardon est une bénédiction. C’est l’expérience de l’amour envers les autres, c’est vouloir le bien de l’autre. Si je recherche le bien de l’autre, je serai plus disposé à offrir à l’autre mon pardon lorsqu’il me le demandera.
Fabien Palmier : La Bible nous propose une forme de pardon « transactionnelle » autour de la confession et de la repentance. Ce n’est pas juste un acte ponctuel, c’est un processus dans lequel chacun doit faire sa part en vue de la réconciliation.
Votre pardon est un don gratuit et libre de votre part, c’est ce que l’on pourrait appeler la justification. C’est une démarche dans laquelle l’offenseur et l’offensé sont liés. C’est aussi une démarche qui nous libère de toute haine, rancœur, colère. Une fois libéré de tout cela, nous pouvons renouveler nos sentiments d’amour et de compassion envers l’autre. Dieu a initié le premier cette démarche de réconciliation envers nous en envoyant son Fils.
Il nous demande de vivre cette démarche du pardon avec les autres : familles, couples, foyers, Eglises se porteront mieux.
Et chacun de nous sera libre.