RESUME de la PREDICATION du pasteur Philippe BAUP du 23 janvier 2016

 Le trésor caché et la perle

 

Lecture : Matthieu 13.44-46

 « Le royaume des cieux ressemble à un trésor caché dans un champ. Un homme découvre ce trésor et le cache de nouveau. Il est si heureux qu’il va vendre tout ce qu’il possède et revient acheter ce champ.

Le royaume des cieux ressemble encore à un marchand qui cherche de belles perles. Quand il en a trouvé une de grande valeur, il va vendre tout ce qu’il possède et achète cette perle. »

Qu’est-ce donc que ce royaume des cieux ? Où est ce royaume de Dieu dont les Evangiles nous parlent tant ? A-t-il quelque chose à voir avec un lieu, plus ou moins imaginaire ? Avec le jardin d’Eden ? Avec ce que les chrétiens ont plus tard appelé le paradis, jardin idyllique où le mal n’aurait pas de prise ?

Ou bien est-ce un temps particulier ? Le temps de Dieu, le temps attendu par le judaïsme, temps de la venue du Messie, le retour de Jésus pour les chrétiens ?

Devons-nous percevoir dans ce royaume une disposition intérieure, un basculement du cœur, comme le suggère Luc 17.21 lorsqu’il rapporte cette parole de Jésus :

« Le royaume de Dieu ne vient pas comme un fait observable, mais il est au-dedans de vous ».

Disposition intérieure à laquelle nous aspirons, mais qui s’enfuit dès que nous croyons l’avoir approchée. Sorte de développement de notre spiritualité qui nous permettrait d’approcher ce Dieu qui reste fondamentalement caché, comme le sont le trésor et la perle.

Ici, Matthieu nous raconte deux très courtes paraboles pour nous faire comprendre une partie du mystère de ce royaume. Elles ont des points communs et des différences et il m’a semblé que c’était dans cet espace des ressemblances et des dissemblances, que pouvaient se trouver les sens qui sont un peu cachés, eux aussi, et que nous allons rechercher, comme le marchand recherche les perles.

Remarquons d’abord qu’il en va de ce fameux royaume comme d’une activité, d’un travail, d’une aventure humaine. Ce n’est pas un lieu ou un temps idyllique où l’on profite calmement de la bonté sans limites de Dieu ; c’est plutôt une rencontre, un événement, au milieu de l’activité de tous les jours.

Ainsi, nous pourrions dire que ce royaume n’est pas pour les fainéants !

L’un laboure un champ qui ne lui appartient pas, l’autre recherche des perles : il faut donc travailler pour trouver un jour le royaume.

Comment comprendre ce travail, chers amis ? A quelle réalité existentielle devons-nous le faire correspondre dans notre vie ?

Tout d’abord je dirais qu’il s’agit d’un travail personnel. En effet, c’est un homme qui laboure et un marchand qui cherche.

Un proverbe illustre bien la leçon sous-jacente dans ce texte : Il vaut mieux un imbécile qui avance plutôt qu’un philosophe qui reste assis !

Le royaume des cieux non seulement peut un jour être trouvé, mais ne commence à s’articuler que si, à un moment donné, l’homme quel qu’il soit se met en marche.

L’idée est de percevoir l’articulation du royaume de Dieu, le fonctionnement du royaume de Dieu en corrélation avec l’activité humaine.

La première réalité ne peut être aperçue que si l’humanité se met au travail, en marche. En avançant, on se donne la chance de rencontrer Dieu, comme Paul sur le chemin de Damas. Il nous faut une action, un espace, une marche.

Le 2ème enseignement que nous dégageons de ce travail humain, c’est l’universalité du salut ou du royaume de Dieu.

Un modeste paysan et un riche marchand : deux extrémités de l’échelle sociale.

L’un s’occupe de la nourriture matérielle des hommes, de leur nécessaire vital, en remuant la poussière de la terre. L’autre s’occupe plutôt de leur plaisir ou de leur superflu, en recherchant passionnément ce qu’il y a de plus inutile, frivole dans le monde, mais aussi ce qu’il y a de plus beau, du moins c’est comme cela que les perles étaient considérées dans l’Orient ancien.

Deux activités contrastées, deux hommes qui ont peu de chances de se rencontrer, mais qui, chacun pour sa part, trouvera dans son travail la joie du royaume.

En encadrant ainsi son illustration du royaume, Jésus veut nous indiquer qu’il est valable pour tous : Parce que nous le valons bien ! Que nous soyons fort ou pas, venu de tel pays ou tel autre, paysan ou marchand, nous sommes tous candidats au royaume !

La leçon nous fait du bien, nous qui un jour ou l’autre avons subi le rejet ou la mise de côté pour la couleur de notre peau, notre origine familiale, notre niveau social ou financier, notre manque de talent ou d’intelligence, notre désaccord avec la majorité… Il est bon d’entendre que pour Dieu il n’y a pas de castes ou de différences disqualifiantes, tout le monde peut entrer.

Romains 1.16 : « Car je n’ai point honte l’Evangile : c’est la puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit, du Juif premièrement, puis du Grec. »

C’est parce que l’Evangile est puissant qu’il peut toucher tous les hommes, qu’une masse incroyable peut avoir accès au royaume d’amour.

En encadrant ainsi son message par deux hommes occupés à des tâches si opposées, Jésus a voulu signifier que tout homme, quel que soit son statut, son travail, sa richesse, a devant lui un royaume caché qu’il peut trouver à tout instant.

3ème enseignement : Ce royaume est caché !

Cela peut paraître dommage, mais si nous réfléchissons bien, nous comprenons qu’il pourrait difficilement en être autrement : Comment pourrait-on être dans la joie de la trouvaille si le trésor n’était pas d’abord caché ? Ne cachons-nous pas les cadeaux et bien d’autres choses, pour accroître le plaisir ? (comme les œufs de Pâques cachés dans le jardin qui font trépigner nos enfants de plaisir).

Le fait d’avoir à chercher pour finalement trouver surajoute à la joie. Le mystère de la recherche participe à la joie en devenir.

Je crois que Dieu est aussi un peu comme cela avec nous. Il veut que nous soyons joyeux et pour cela il faut des mystères. Dieu use et abuse de cette pédagogie jouissive du mystère qui conduit à la joie.

La Bible nous révèle plusieurs histoires de joie exprimée après la découverte attendue ou inattendue du Christ ou de Dieu :

– La femme près du puits : Voilà une femme qui n’y croit plus beaucoup, Dieu est pour elle un mystère caché bien enfoui qui ne l’intéresse plus trop. La discussion avec le Christ ressuscite une dimension qui chez elle était complètement anesthésiée : la foi, la spiritualité. Le mystère qui va lui être révélé, le Messie, va déboucher sur l’expression d’une joie profonde.

La redécouverte du Christ chez les disciples sur le chemin d’Emmaüs : Luc 24.32

Le Christ reste dans un certain mystère tout le long du chemin, il s’approche mais ne se révèle pas, il reprend les Ecritures et attise ainsi l’envie, l’espoir… la joie des disciples.

Il construit par le mystère qu’il entretient la joie de ces disciples qui ne manquera pas de déboucher dans une heureuse explosion. Le cœur brûle, la joie monte. On sent que l’on va aboutir sur quelque chose de beau, alors cette joie peut éclater.

C’est le temps du repas. Jésus rompt le pain et ses disciples le reconnaissent. Remarquez que c’est au moment où Jésus utilise le produit du travail du laboureur de notre parabole : le pain, que les disciples le reconnaissent, que leur joie est immense.

Mais que fait le Christ ? Il disparaît ! Christ serait-il rabat-joie ? Non !

Christ comprend qu’il doit entretenir un certain mystère le concernant pour que notre envie de lui reste intacte. Pourquoi ce mystère ? Pourquoi cette opacité ? Pour que la joie exulte, nous venons de le dire, mais aussi pour d’autres raisons.

La distance qui existera toujours entre un homme et son Dieu est un mystère nécessaire à l’humilité humaine et au respect que l’homme doit à son Dieu. Comment imaginer un Dieu qui ne serait pas caché, qui ne serait pas à la limite de ce que nous pouvons percevoir ?

C’est là le meilleur moyen de rendre notre joie parfaite quand nous nous approchons de Dieu, ou bien lorsqu’il se révèle à nous.

Cela me fait penser à cette mise en scène que Dieu demanda aux Israélites quand il leur a remis le Décalogue. Une limite était installée entre le camp et la montagne sur laquelle Dieu se trouvait : le Sinaï. Cette limite ne devait en aucun cas être franchie sous peine de mort. Seuls quelques prêtres et Moïse pouvaient aller de l’avant, parce qu’ils représentaient dans leurs fonctions le Christ qui seul peut aller devant Dieu pour représenter les hommes.

Dieu voulait ainsi indiquer toute sa hauteur, sa dignité, sa majesté, sa sainteté, et donc la séparation qui existera toujours entre lui et les hommes. Aujourd’hui pour nous cette limite, c’est le mystère de Dieu, un être qui nous dépasse tellement que nous devons avouer ne jamais le cerner, l’égaler ou même nous approcher de ses perfections.

Il s’agit ainsi de lui donner un respect éternel et de nous placer à notre juste place.

Ce mystère doit aussi être entretenu pour rendre service à l’humanité.

Vous avez sans doute remarqué que l’homme a besoin de challenges incessants, besoin dénoncé par l’insatisfaction qui se trouve en lui, en chacun de nous. C’est là que le mystère divin doit intervenir. Dans sa grandeur et sa bonté, Dieu a placé en l’homme un désir, un mystère toujours insatisfait : celui de Dieu.

Dieu est ce qu’il y a d’ultime dans l’homme, disait Paul Tillich.

La religion concerne ce trésor qui ne se voit pas et qui est l’objet d’une éternelle recherche.

Dieu place en l’homme la pensée de l’éternité, une idée de la transcendance, un reflet de lui-même et il laisse ainsi au sein même de cette humanité un mystère qui certes se laissera dévoiler mais jamais ne sera complètement percé.

Ainsi, cette soif de connaissance continue, de progression incessante, de développement constant, est donnée par Dieu à l’humanité par le mystère même en lequel sa personne consiste. Ce mystère est nécessaire pour le maintien de la joie et de l’épanouissement.

Il faut ensuite acheter le champ, acheter la perle, tout vendre, se déposséder de tout, pour réaliser son rêve et être dans la joie véritable. Tout doit être liquidé, on doit se dépouiller de tout pour acquérir ce qu’il y a de plus précieux ! Pourtant, cette séparation du passé ne doit pas être accompagnée du reniement du passé. Le passé n’est pas à renier, il faut l’optimiser, l’utiliser différemment.

Mon expérience en lien avec ma vie estudiantine m’a permis de comprendre qu’il ne fallait pas se couper du monde « souillé », qu’il ne fallait pas écarter « les pestiférés », car en agissant ainsi je les coupais de la possibilité pour eux de connaître le royaume de Dieu et moi aussi par la même occasion. Sainteté et perfection ne riment pas avec terre brûlée !

Chers frères et sœurs, le royaume de Dieu, c’est aussi tout cela : Accepter le mystère d’une perle ou d’un trésor pour notre joie, pour notre humilité, pour notre contentement.