RESUME de la PREDICATION de Micaël VANHALST du 29 août 2015

Lecture : Genèse 22.1-19

Introduction

L’épisode biblique du sacrifice d’Isaac fait partie de ces histoires que nous connaissons bien. Même ceux qui ne partagent pas nos convictions en ont déjà entendu parler, ne serait-ce qu’en admirant les nombreuses peintures que l’on peut trouver dans les musées.

De la part de nos contemporains non croyants, c’est un texte qui est parfois soumis à de fortes critiques qui ne sont pas toujours positives.

Et c’est vrai qu’en prenant un peu de recul, il y a de quoi se poser un certain nombre de questions à son sujet.

Le titre apposé à ce passage est souvent : « Le sacrifice d’Isaac ». Même s’il ne fait pas partie des textes originaux (comme les chapitres et les versets), il est interpelant. En effet, l’élément fort de cet épisode, c’est justement qu’Abraham n’a pas à sacrifier son fils. D’ailleurs certaines versions indiquent un titre plus juste : « Abraham prêt à sacrifier son fils » (Bible en Français courant, Parole de Vie ou Nouvelle Bible Segond).

Plus intrigant encore, c’est la proposition faite à Abraham. Elle paraît bien scandaleuse…

Elle paraît aussi contradictoire avec ce que d’autres textes bibliques indiquent, en réfutant de manière extrêmement claire, les sacrifices humains. (cf Lévitique 18.21, Deutéronome 12.31)

Dieu semble se contredire…

Ce n’est pas tout ! Dieu semble aussi revenir sur sa promesse. En Genèse 18.10, des messagers envoyés par Dieu promettent à Abraham et Sara qu’ils auront un fils et, plus tard, Dieu demande à Abraham de le sacrifier…

C’est pour toutes ces apparentes incohérences qu’une réflexion sur ce texte peut être utile.

La forme du texte

Un texte dynamique

Dans l’original hébreu, ce texte contient 75 verbes sur les 306 mots qui le composent. Il est donc très dynamique. Cette idée est renforcée par la présence importante d’échanges entre les différents personnages.

Les personnages

Abraham

C’est le personnage le plus présent.

Dans ce texte, Abraham traverse une épreuve. Ce n’est pas la première qu’il vit. En Genèse 12.1, Dieu avait déjà demandé à Abraham de tout quitter. Comme, dans notre texte, cette première épreuve se conclut également par une bénédiction. (cf Genèse 12.2-3, à comparer avec Genèse 22.15-18)

Cette relation entre l’épreuve et la bénédiction permet de mettre une première fois en correspondance les chapitres 12 et 22 de la Genèse.

Isaac

Il faut savoir que tous les croyants ne sont pas d’accord sur l’identité du fils demandé en sacrifice. Les Juifs et les chrétiens partagent le même avis sur la question : ils croient qu’il s’agit bien d’Isaac. Par contre, les Musulmans pensent qu’il s’agit d’Ismaël.

Qu’en est-il donc ? Le texte insiste, en Genèse 22.2 : « Ton fils, ton unique (…) que tu aimes ». Pourquoi « unique » ? A ce moment-là, Abraham a pourtant déjà deux fils : Isaac et Ismaël.

L’unicité de ce fils permet peut-être d’envisager une relation symbolique au sacrifice du Christ.

N’oublions pas non plus qu’Ismaël est le fruit d’une manœuvre humaine. (cf Genèse 16.1-4)

De plus, notre texte précise aux versets 17 et 18 que le « fils » se prolonge en « postérité nombreuse » et aura une influence sur « toutes les nations ».

Isaac est donc ce fils dont le texte nous parle. Non seulement parce qu’il est bien l’unique fils d’Abraham et Sara (Ismaël est le fils d’Abraham et Hagar, la servante de Sara), mais aussi parce que la promesse d’une grande postérité s’accomplit pour lui, comme Dieu l’avait prévu.

Dieu

Dieu est nommé de multiples façons dans le texte. D’abord « Elohïm » (traduit par « Dieu »), présent dans la première partie du texte. C’est le Dieu tout puissant qui demande à Abraham de sacrifier son fils Isaac. Ensuite, « YHWH » (traduit par « Seigneur », « Adonaï » ou « Eternel »), présent dans la seconde partie du texte. C’est le Dieu plus proche de l’humanité, qui interrompt le sacrifice et accorde sa bénédiction. Et enfin, il y a « l’ange de YHWH » qui est une périphrase destinée à éviter la répétition du nom de Dieu. (cf Genèse 22.12 et 16)

Il est intéressant de constater que tous les caractères de Dieu sont présents dans ce texte.

Ensemble

Cette mention de « Ensemble » n’est présente que trois fois dans le texte. On peut y voir une préfiguration de l’unité du peuple de Dieu qui découlera de la foi d’Abraham.

Autres mots significatifs

On a d’abord le nom du lieu où se déroule l’action : « Moriyya ». Ce nom n’est présent que deux fois dans toute la Bible, en Genèse 22.2, où Dieu réclame le sacrifice d’Isaac, et en 2 Chroniques 3.1, où Salomon construira le Temple, sur la colline de Sion, à l’est de Jérusalem et qui deviendra le siège du sacrifice perpétuel. Il y a donc un fort lien à l’idée du sacrifice, mais pas seulement… La traduction même de ce terme (« Sous le regard de YHWH ») porte une idée de confiance. D’ailleurs, cette notion de « Dieu qui voit ou qui pourvoit » est présente à plusieurs reprises dans le texte. (cf Genèse 22.8 et 14)

Ce texte cherche donc à nous interpeler, ne serait-ce que par le nom même du lieu où se déroule cet évènement, sur notre capacité à faire confiance à Dieu.

Un autre terme est intéressant : c’est l’impératif « Va ! », parfois traduit par « Va-t’en » ou « Pars ». Derrière cet impératif se cache une répétition qui échappe à nos traductions, mais il est bien présent dans l’original hébreu : « Lech lecha ». On pourrait littéralement traduire par « Va pour aller ». Cette répétition dévoile aussi une notion de découverte de soi, pour son bien et son bonheur. La traduction de Chouraqui propose d’ailleurs cette version : « Va pour toi ». C’est donc bien pour lui qu’Abraham doit traverser cette épreuve.

Cet impératif est lui aussi rare. Il n’est présent que deux fois dans toute la Bible : en Genèse 22.2 et en Genèse 12.1. Nous retrouvons donc ici une seconde relation entre les chapitres 12 et 22 de la Genèse.

L’intention du texte

Une attention portée à la forme du texte nous a apporté quelques éléments intéressants, mais quel est finalement l’intention de ce texte ?

Réponses évidentes

Il y a des réponses logiques ou évidentes, mais qu’il est toujours bon de rappeler.

Dieu est évidemment opposé aux sacrifices humains : il intervient pour interrompre ce sacrifice qu’il n’aurait pu supporter. Par cette interruption, Dieu affirme ainsi sa différence avec certains peuples païens qui pratiquent ce type de sacrifice destiné à apaiser leurs divinités.

On pense souvent que ce sacrifice est là pour tester la foi d’Abraham. Or Dieu connait parfaitement la foi d’Abraham et n’a donc pas besoin de preuve. De plus, nous avons vu que tout ceci avait lieu pour Abraham lui-même et non pour Dieu. On peut par contre envisager qu’Abraham ait été confronté à cette épreuve pour que sa confiance ou sa foi en Dieu soit renforcée. Ce sacrifice ne sert pas Dieu, mais il sert Abraham.

Finalement, la promesse de Dieu est respectée. Isaac reste en vie et la postérité d’Abraham n’est plus menacée.

L’essentiel

L’enseignement le plus important tient au lien que nous avons pu précédemment observer entre les chapitres 12 et 22 de la Genèse.

En Genèse 12, Dieu demande à Abraham d’aller vers un pays inconnu (« le pays que je te ferai voir ») en abandonnant sa famille, sa patrie, son passé.

En Genèse 22, Dieu demande une nouvelle fois à Abraham d’aller vers un lieu inconnu (« sur celles des montagnes que je t’indiquerai ») en sacrifiant ce qui fait sa réelle descendance : son fils Isaac.

A Morriya, au lieu du sacrifice, Abraham se retrouve comme suspendu dans le vide. Il a déjà abandonné son passé et il est prêt à sacrifier son avenir. A Morriya, Abraham a sans aucun doute compris que tout dépendait de Dieu. Le texte nous le montre bien : il n’y a aucune valeur accordée au sacrifice que l’homme pourrait lui offrir. Ni aux sacrifices humains (Isaac est finalement épargné), ni aux sacrifices d’animaux (Dieu pourvoit lui-même au bélier qui vient en substitution d’Isaac). Le bélier, présenté par Dieu à Abraham, est une image de son Fils unique, celui de la promesse prophétique, qui viendra sous le nom de Jésus de Nazareth.

Il y a donc un lien évident au plan du salut. Dans le plan du salut, l’homme n’a aucun argument à proposer à Dieu. Ce plan du salut ne peut se mériter, c’est un don de Dieu. Il n’y a qu’une seule et unique condition à son accès, qu’Abraham a pu expérimentée lui-même, c’est l’abandon total. C’est ce que Dieu attend de nous : que nous soyons prêts à lui remettre complètement notre vie, notre passé, notre présent et notre avenir !

Conclusion

Jusqu’où sommes-nous prêts à aller pour Dieu ? Nous sommes peut-être prêts à sacrifier un peu de notre temps, de notre argent ou de notre liberté… Abraham, lui, était prêt à aller très loin ! Mais faut-il vraiment toujours envisager les choses sous l’angle du sacrifice et de la privation ? Notre démarche ne doit-elle pas être plus volontaire pour être totale ? Jusqu’où sommes-nous prêts à aller pour manifester notre totale dépendance à Dieu ?

Hébreux 6.13-14 nous indique : « Lorsque Dieu fit sa promesse à Abraham, comme il n’avait personne de plus grand par qui jurer, il jura par lui-même et dit : « Oui, de bénédictions je te comblerai, une immense expansion je te donnerai. » Ayant alors persévéré, Abraham vit se réaliser la promesse. »

Oui, Abraham a su persévérer et c’est aussi pour cela que la bénédiction de Dieu a pu s’accomplir.

Nous aussi, continuons à persévérer, pour maintenant et pour notre avenir, dans notre relation à Dieu, en nous souvenant que sa bénédiction n’est possible que dans le cadre d’un abandon total à lui, sans oublier que tout ceci est pour notre bien et notre bonheur !